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Israël, Norvège: Emeutes effroyables entre migrants érythréens

Voici un entretien très intéressant relevé ce lundi 4 septembre sur la chaîne TV CNEWS, dans l’émission de Christine Kelly «Face à l’info» avec le décryptage de Dimitri Pavlenko, qui relève l’étrange silence médiatique sur de graves événements qui se sont déroulés, chez nous, en Suisse, mais aussi en Norvège, en Allemagne, et bien sûr, en Israël. Ne serait-ce pas cela, la désinformation?


Si vous préférez le voir en vidéo, vous pouvez suivre le débat sous le lien suivant, depuis la minute 18:50 à 30:20:

https://www.cnews.fr/emission/2023-09-04/face-linfo-emission-du-04092023-1393224


Christine - On va partir en Erythrée avec vous, Dimitri, ou plutôt pas, parce qu'il y a eu des scènes de violence incroyables ce week-end à Tel Aviv, en Suisse, en Norvège, à Bergen, plus précisément la deuxième ville du pays. Trois villes, de véritables batailles rangées qui ont éclaté avec des migrants érythréens. Les échauffourées ont débouché quelques fois à des affrontements avec la police, parfois des tirs à balles réelles, et le bilan est effroyable, plusieurs centaines de blessés, Dimitri... Que s'est-il passé concrètement parce que ces images ont choqué.

Dimitri - Oui, vous les avez peut-être vues. Ces trois villes, Bergen, Zürich et Tel Aviv viennent d'expérimenter la forme la plus spectaculaire d'importation d'un conflit sur leur sol. C'est ce qui s'est produit littéralement et je suis assez frappé par les médias en France qui racontent l'histoire... Assez peu en vérité.

Christine - Très peu, parce qu'on peut chercher. Très peu de médias en parlent.

Dimitri - Ils parlent de rixes, de bagarres, d'émeutes, en fait, comme si ces affrontements n'avaient pas de cause, ni de sens. En fait on a assisté ce week-en à des délocalisations du conflit qui oppose depuis maintenant fort longtemps des opposants et des partisans de ce charmant régime érythréen dont je vais vous parler dans un petit instant. Alors pourquoi samedi? Ça s'est passé samedi parce que c'était le 30ème anniversaire de l'Indépendance de l'Erythrée, et donc, dans ces trois villes, Zurich, Bergen et Tel Aviv, les partisans du régime organisaient des célébrations qui sont aussi des occasions pour le régime de lever des fonds. L'Erythrée, Cc'est un régime paria, on va en parler. Et donc, ces fêtes ont attiré tous les opposants, qui sont les migrants, les réfugiés qui vivent dans ces pays-là et qui sont opposés au régime. Et tout le monde s’est mis à se battre en pleine ville avec une violence inouïe, notamment en Suisse, avec une douzaine de blessés, mais à Tel Aviv, on compte 170 blessés, notamment 50 policiers qui, à un moment, se retrouvant acculés face à ce déchaînement de violence, ont sorti leurs armes, ouvert le feu à balles réelles - non pas pour tuer - mais pour se dégager, eux-mêmes.

Christine - Incroyable, si on peut remontrer l'image qu'on a mis dans le sommaire, ce serait très bien pour en parler.

Dimitri - Et il y aurait même eu des échanges de coups de feu entre les manifestants et vous voyez sur les images les t-shirts rouges, les partisans du régime d'Asmara, la capitale érythréenne, et les opposants qui arrivent habillés en bleu. La police de Tel Aviv a reconnu qu'elle n'avait pas connu un tel niveau de violence depuis les émeutes arabes israéliennes d'octobre 2000, il y a 20 ans. Les hôpitaux de Tel Aviv ont dû mettre en place le protocole de tri et de soins prévus pour les gros attentats terroristes, c'est dire le niveau de violence, c'est complètement fou.

La polémique aujourd'hui en Israël porte sur le manque d'anticipation de la police. Pourquoi? Parce qu'en réalité, dans tous les pays qui accueillent une diaspora érythréenne, une communauté érythréenne, vous avez maintenant depuis plus de trois mois des affrontements de ce type, notamment au passage d'un festival appelé le "Erytrean Festival", un festival qui travaille pour le régime dans le but de lever de l'argent et donc, début juillet en Allemagne, à Giessen, en Suède le mois dernier, aux Etats-Unis au début du mois d'août, et il y a deux semaines seulement au Canada à Edmonton, il y a eu des événements similaires, mais les bagarres n'étaient pas aussi violentes que celles de Tel Aviv, mais enfin, vous voyez...

Christine - Ne pas être dans son pays d'origine et avoir de telles violences, c'est quand même incompréhensible, pardon, mais...

Dimitri - Oui, alors pourquoi ces violences? D'abord, l'Erythrée est ce petit Etat tout au nord de la corne de l'Afrique, l'Ethiopie au Sud et le Soudan qui se trouve juste à l'Ouest. "Eruthraía " en grec ancien, ça veut dire "rouge", et vous avez compris pourquoi? Parce que c'est un Etat côtier riverain de la Mer Rouge. C'est pour ça que l'Erythrée s'appelle ainis. C'est l'un des Etats les plus pauvres d'Afrique. Brièvement, l'Erythrée arrache son indépendance à l'Ethiopie au bout de trente années de guerre civile, en 1993, et comme souvent dans ce genre de scénario, ça me rappelle un peu la Guerre d'Algérie. Le héros national, le héros indépendantiste, en l'occurrence, s'appelle Isaias Afwerki, élu président. Le premier Président du pays se révèle très vite un redoutable autocrate, et ce qui se passe, c'est que l'Erythrée d'Afwerki est aujourd'hui l'un des régimes les plus fermés, les plus répressifs du monde. Son petit surnom, c'est "la Corée du Nord africaine". Vous voyez, ça vous situe un peu le genre de régime. Aujourd'hui, l'Erythrée est le "premier producteur africain" de réfugiés et de migrants. Pour vous donner un ordre d'idée, il y aurait 5000 Erythréens qui, chaque mois, quitteraient le pays. Vous me direz que 5000, c'est pas beaucoup. Sur un pays de 5 à 7 millions d'habitants, c'est comme si chaque mois, 70 à 100'000 Français quittaient la France. Pour vous donner un ordre d'idée de l'hémorragie de population que ça représente.

Christine - Et pour aller où?

Dimitri - On va voir le pourquoi. Vous avez les persécutions religieuses, les Coptes, qui sont des chrétiens persécutés par les Musulmans. Vous avez la pauvreté aussi, et vous avez le service militaire, parce que le régime étrythréen vous oblige à 18 ans au service militaire. Il est obligatoire et sans durée déterminée. Ça peut durer 5 ans, 10 ans. Et que faites-vous durant votre service militaires? Il concerne les hommes et les femmes. Vous ne servez pas véritablement votre pays. Vous êtes exploités, vous êtes un esclave, vous êtes de la main-d'oeuvre gratuite au service du régime. Comme vous le voyez, l'Erythrée est une sorte de prison à ciel ouvert, et tout le monde fait ce qu'il peut pour tenter de s'en évader. Si vous ne faites pas votre service militaire vous ne pouvez pas monter votre entreprise, ni avoir de rations alimentaires, ouvrir un compte en banque, acheter un téléphone. Et si vous fuyez, votre famille est persécutée. C'est ça, aujourd'hui, l'Erythrée. On comprend finalement pourquoi les gens cherchent à fuir. Pour aller où? En Europe, aux Etats-Unis aussi aujourd'hui, parce que les Européens sont quand même assez hypocrites dans cette situation-là. Et Israël a longtemps été une destination privilégiée, parce que vous remontez vers le nord, vous traversez le désert du Sinaï, et vous arrivez en Israël. Mais vous voyez, on comprend que l'Erythrée, aujourd'hui, exporte totalement autour de lui, et de plus en plus loin, sa tragédie nationale, et la violence, évidemment, qui l'accompagne.

Christine - Alors, comment les Etats qui accueillent volontairement ou non les réfugiés érythréens réagissent-ils? Que dit-on des événements de samedi en Norvège, en Suisse, en Israël?

Dimitri - Alors, on est frappé par l'écart... Rappelons qu'il y a peu d'infos, ce qui est déjà une information. Vous avez un écart important entre les réactions que vous avez en Europe, Norvège et en Suisse. On a rien compris de ce qui s'est passé, en réalité. Et on ne réagit pas tant que ça. En fait, les autorités n'en disent pas grand-chose, parce qu'on ne va quand même pas persécuter, renvoyer de pauvres réfugiés érythréens. Si vous voyez, c'est un peu la philosophie. Bon, la réalité, c'est que de plus en plus d'Etats européens, à commencer par les Norvégiens, et aussi les Allemands - depuis 2015 et la vague migratoire - concluent des accord, moyennant finances avec l'Erythrée, pour qu'elles retiennent ou reprennent un maximum de ces réfugiés. Donc nous "dealons", nous travaillons, avec le régime érythréen. Et avant qu'ils n'arrivent sur le sol européen, une fois qu'ils y sont, c'est difficile d'avoir une politique franche d'expulsion. Je ne vais pas expliquer comment marche la politique migratoire européenne, mais vous avez compris. Et le tout sous le regard réprobateur des Nations Unies, qui nous font la leçon par rapport à notre accueil sans coeur de ces réfugiés érythréens. Et Israël, alors là, c'est très différent...

Christine - Tirs à balles réelles. Les policiers tirent à balles réelles. Il y a une gêne en Europe, mais Israël, disiez-vous, a moins de scrupules...

Dimitri - C'est du maintien de l'ordre musclé. Israël a longtemps été une terre-refuge pour les Erythréens d'abord pour des raisons géographiques en montant par le nord, par la terre, pas besoin de franchir de mer, vous atterrissez en israël. Mais le vent a tourné quand même pour ces populations d'Afrique noire. Pourquoi? Je vais vous raconter une anecdote: Eté 2011. Itamar Benvir, qui est un peu le trublion de la vie politique israélienne - on en parle beaucoup aujourd'hui - il est le porte-parole des colons, de cette droite religieuse considérée comme d'hyper extrême droite par tous les gens qui la détestent. Il y a 11-12 ans, il va recruter dans les quartiers pauvres de Tel Aviv, les mêmes quartiers où ont eu lieu ces affrontements. Vous allez voir pourquoi je vous donne ce détail. Il va recruter des clandestins soudanais et érythréens, car il y en a beaucoup et il leur paie l'entrée dans la piscine la plus chic de Tel Aviv, le Club Gordon, qui est sur le front de mer. Vous imaginez la scène, dans le plus bel hôtel parisien, avec des migrants qu'on aurait récupéré sous un pont de Paris? Et Itamar Benvir, fier de son coup, convoque la presse et dit la chose suivante: «Ne soyez pas racistes, enfin, il n'y a aucune raison que vous aussi ne profitiez pas des clandestins des quartiers sud.» Cette histoire est en fait une leçon de choses, et Benvir, qui met le doigt là où ça fait mal à tous les humanistes de salon qui prêchent le devoir d'accueil, en l'occurrence au nom du passé du peuple juif... Mais pas en bas de chez eux, quand même, si ça peut être dans le quartier d'à côté, tant mieux. C'est un peu la dimension lutte des classes de notre histoire érythréenne. Alors Benyamin Netanyahou a réagi très fort, c'est le sujet dont on parle beaucoup en Israël ces 48 dernières heures. Il annonce l'expulsion des émeutiers d'il y a deux jours, le retrait du permis de travail aux migrants en situation illégale, et un plan d'expulsion de tous les migrants érythréens. On ne les renvoie pas en Erythrée, bien sûr, mais chez ces sous-traitants bien commodes de ce qu'il faut bien appeler l'industrie migratoire africaine, en l'occurrence l'Ouganda et le Rwanda. Voilà qui ne va pas réussir à arranger le cas d'Israël qui, pour l'anecdote, a été condamné depuis 1948, 99 fois devant le Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies, tandis que la Corée du Nord n'a été condamnée que 15 fois, et l'Iran, 12 petites fois.

Christine - Merci beaucoup pour votre enquête de ce qui s'est passé de week-end, mon cher Dimitri.















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